Si elle fait rêver, l’intelligence artificielle (IA) fait aussi craindre à bien des personnes de perdre leur travail. L’IA pourrait abolir 7 millions d’emplois d’ici 2020 et n’en créer que 2 millions, une perte nette de 5 millions de postes en trois ans. Devant ces chiffres, doit-on s’alarmer de l’intelligence artificielle en entreprise ?
Cette étude de Klaus Schwab et Richard Samans, présentée lors du forum économique de Davos en janvier 2016, prédit que les nouveaux emplois créés se trouveront principalement dans les domaines de la conception, du design, du développement et de l’entretien informatique. Selon eux, le secteur industriel est déjà très automatisé et ne devrait plus vivre de changements majeurs, mais le secteur tertiaire, celui des services, sera frappé de plein fouet. Serveurs, réceptionnistes et commis seront remplacés par des robots dans un futur plus ou moins proche.
Le professeur Arthur Charpentier, qui enseigne à la Faculté de sciences économiques de l’Université de Rennes, en France, est toutefois sceptique devant ces prédictions. Selon lui, tous les emplois sont mis dans le même panier, rendant difficile une estimation. « L’automatisation détruira des emplois, je suis d’accord avec ce diagnostic, dit-il, mais le nombre d’emplois avec un vrai besoin humain ne cessera d’augmenter. Je pense aux services d’aide pour les personnes âgées, par exemple. »
Doina Precup, codirectrice du Reasoning and Learning Lab de l’Université McGill, croit que les emplois les plus menacés sont ceux où il y a beaucoup de tâches répétitives et ceux où l’IA peut observer le comportement du travailleur et utiliser les données recueillies pour le mimer, comme un comptable. La chercheuse croit également que les emplois qui nécessitent de prendre en compte une énorme quantité de données seront confiés à l’intelligence artificielle dans l’avenir, car elle est mieux conçue pour les interpréter que le cerveau humain. Comptables, secrétaires, radiologistes et techniciens sont donc menacés, certes, mais tous les emplois ne le sont pas.
L’irremplaçable contact humain
Bien des experts s’entendent sur un aspect qui ne sera jamais remplacé par l’intelligence artificielle et les robots : le contact humain. Que ce soit l’infirmière qui vous rassure en vous soignant ou le professeur qui vous encourage avant un examen, l’humain continue de rechercher le contact de ses semblables. Kai-Fu Lee, un ancien dirigeant de Google et de Microsoft qui se spécialise dans l’intelligence artificielle, croit par exemple que l’humain voudra toujours entendre les nouvelles sur son état de santé d’un oncologue, et non d’une machine.
Celui-ci prédit également que l’art sera toujours l’apanage de l’humain. Selon lui, l’IA fait naître une nouvelle génération de travailleurs qui exploitent l’authenticité humaine, les « travailleurs de l’amour » (workers of love). C’est le sens de l’humour, la perspicacité, l’attention de ces travailleurs qui les démarquent des machines qui les remplaceront dans les emplois techniques et analytiques. « Le contact humain est valorisé, je pense qu’il va toujours rester », approuve le professeur Arthur Charpentier. Or, si les emplois dans les arts et la relation d’aide étaient autrefois moins payés et moins prestigieux, ils pourraient être de plus en plus recherchés… en raison des avancées de l’intelligence artificielle.